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Episode 3 : Une version cardinale de la théorie

Et si on mettait des poids à nos préférences ?

INTRODUCTION


En théorie du choix social, il semble évident que puisque l’on se préoccupe de « choix », la façon dont on modélise les préférences joue un rôle crucial dans la théorie.

Jusqu’à présent, dans les épisodes 1 et 2, nous avons représenté les préférences individuelles et collectives d’un point de vue ordinal en appliquant un préordre total sur l’ensemble des alternatives possibles. Cependant, cette façon de représenter les préférences ne prend pas en compte la force avec laquelle une alternative peut en surclasser une autre. En effet, que l’alternative x soit largement ou légèrement préférée à l’alternative y, la traduction en terme de préordre sera dans les deux cas : xPy ou oyx = 1 si l’on utilise la notation matricielle, pourtant nous avons tous connu des moments où, face à un choix, la réponse était évidente tellement l’une des options surclassait de loin toutes les autres, et inversement il nous est tous arrivé d’avoir des choix diffciles à faire, puisque nous étions plus ou moins indifférents aux alternatives proposées.

La question de la modélisation ordinale ou cardinale des choix a largement été discutée au cours des dernières décennies. Pour Pareto et ses disciples par exemple, l’observation des choix concrets de l’individu permettrait d’établir s’il préfère x à y, et y à z, mais non pas s’il préfère plus fortement x à y qu’il ne préfère y à z. D’ailleurs Arrow lui-même approuve entièrement cette analyse, et récuse donc le concept de cardinalité au profit de celui d’ordinalité pour arriver à son incontournable théorème d’impossibilité.

Ces dernières années pourtant plusieurs auteurs se sont intéressés à la théorie cardinale du choix social. Citons quelques exemples : Brams et Fishburn ont publié dans les années 1980 leurs travaux sur le vote par approbation et ses propriétés, en 1984 Duncan publie Notes on Social Measurement : Historical and Critical. Plus récemment en 2000, Smith travaille sur le range-voting, caractérisé par Pivato en 2013. Hillinger, quant à lui, publie en 2014 Voting and the Cardinal Agregation of Judgments, dans lequel il défend bec et ongles la théorie cardinale du choix social et plus particulièrement les méthodes 3-chotomiques et 5-chotomiques. Le vote 3-chotomique sera d’ailleurs caractérisé en 2013 par Alcantud et Laruelle.

Nous allons dans ce troisième épisode nous affranchir de ces considérations pour nous demander uniquement ce que donne la théorie cardinale du choix social, c’est à dire si nous considérons que chaque individu est à même d’associer une intensité à ses préférences.

Nous commencerons par modéliser les préférences cardinales à l’aide de matrices et nous verrons que contrairement au cas ordinal, l’espace de ces matrices est un espace vectoriel que nous étudierons. Dans un second temps, nous redéfinirons dans le contexte cardinal les propriétés démocratiques énoncées précédemment dans le contexte ordinal et pour finir, nous étudierons les fonctions de choix social linéaires (espace vectoriel oblige) et verrons quels sont les impacts des propriétés démocratiques nouvellement redéfinies sur ces fonctions de choix social particulières.

Cette étude nous amènera tout d’abord à caractériser la fonction somme dans le cadre cardinal de la théorie du choix social, ce qui nous permettra alors de reconsidérer le théorème d’impossibilité d’Arrow.



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