INTRODUCTION
La dictature éclairée serait-elle plus démocratique que la démocratie ? Voici une question bien étrange, sinon
absurde : comment serait-ce possible puisque dictature et démocratie sont
deux concepts totalement antagonistes. La démocratie, c’est le pouvoir aux mains du peuple, tandis que dans une
dictature le pouvoir n’est aux mains que d’un seul homme ! Pour nous tous,
la démocratie est synonyme d’égalité et de liberté, car les lois auxquelles nous devons obéir sont des lois que
nous avons nous mêmes (plus ou moins) rédigées et choisies grâce au vote.
La dictature, quant à elle, est synonyme de despotisme et de tyrannie, la critique du pouvoir en place est
interdite et tout le monde est l’esclave d’un seul et unique tyran, d’un seul
et unique dictateur. Il n’y a plus de liberté.
Pourtant Aristote écrivait déjà dans Les politiques que :
Le choix judicieux est l’affaire des gens de savoir : par exemple le choix d’un géomètre appartient à ceux qui
sont versés dans la géométrie, et le choix d’un pilote à ceux qui connaissent
l’art de gouverner un navire. Car, en admettant même que, dans certains travaux et certains arts, des profanes
aient voix au chapitre, leur choix en tout cas n’est pas meilleur que celui
des hommes compétents. Par conséquent, en vertu de ce raisonnement, on ne devrait pas abandonner à la masse des
citoyens la haute main sur les élections de magistrats.
Aristote était donc contre la démocratie comme nous l’entendons et sa conception de l’Etat se rapprochait plus
d’une dictature que d’une démocratie, mais d’une dictature dirigée par des hommes de savoir : des dictateurs
éclairés.
Une dictature éclairée, cela sonne comme un oxymore, au même titre que « l’obscure clarté » ou qu’un « silencieux
tintamare ». Pourtant, un dictateur éclairé ne serait-il pas un bon compromis ? Être Dictateur signifierait
prendre les décisions (et en assumer les conséquences) pour son peuple, et être éclairé signifierait à la fois
avoir les capacités et les compétences lui permettant de faire les bons choix pour son peuple en toute
connaissance de cause, mais aussi ne pas être obscurci par des intérêts plus personnels en contradiction avec les
intérêts communs de son peuple ; en définitive, un dictateur aurait les capacités, l’envie et le pouvoir de
prendre les bonnes décisions pour son peuple (ou du moins les décisions que celui-ci pense bonnes). Si Galilée
avait été un dictateur, la Terre aurait sûrement été ronde bien plus tôt dans l’Histoire de l’Homme.
Mais revenons à la démocratie. Pour « gouverner » tout d’abord, il faut à un moment ou à un autre faire des choix
et trancher entre plusieurs alternatives. Comme dans une démocratie c’est le « peuple » qui dirige, ces choix
devront être réalisés collectivement. Or ces choix collectifs ne sauraient être réalisés à partir d’autre chose
que les choix des individus composant le peuple. Il va donc falloir, d’une manière ou d’une autre, agréger les
choix individuels en un choix collectif. En effet, comment des choix collectifs pourraient-ils être établis
autrement ?
De nos jours, la démocratie assoit sa légitimité sur le fait que toute personne en âge de le faire puisse voter
pour élire le candidat qui pour elle représente au mieux ses propres convictions. Le vote est le moyen d’agréger
les convictions personnelles de chacun en un choix collectif unique. Il existe une multitude de façons de voter :
vote à la majorité, scrutin à tour unique ou à double tour, droit de veto, élection de grands électeurs... Ces
différentes facons de voter, qui fondent la démocratie, se valent-elles toutes ? Si oui, pourquoi en avoir
plusieurs ? Et sinon cela voudrait dire qu’il y en aurait certaines meilleures que d’autres, alors pourquoi quand
même utiliser les moins bonnes ? Et y en aurait-il une meilleure que toutes les autres ? Encore faudrait-il
définir ce que signifie ici meilleure...
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